«
Considérant qu’aux termes de l’article
L. 2121-29 du code général des collectivités
territoriales : « le conseil
municipal règle par ses délibérations
les affaires de la commune » ; qu’aux termes
de l’article L. 2122-21 du même code : «
Sous le contrôle du conseil municipal et sous le
contrôle administratif du représentant de
l’Etat dans le département, le maire est
chargé, d’une manière générale,
d’exécuter les décisions du conseil
municipal et, en particulier : […] 6° De souscrire
les marchés » ; que ces dispositions, à
la différence de celles de l’article L. 2122-22
du même code qui autorisent le conseil municipal
à déléguer au maire certaines de
ses compétences, ont seulement pour objet d’habiliter
le maire à prendre les mesures qu’appellent
les délibérations adoptées par le
conseil municipal ; qu’à cet effet, les décisions
prises par ce dernier doivent être suffisamment
précises quant à leur finalité, leur
portée et leur contenu pour ne pas conduire le
maire à empiéter sur les compétences
de l’organe délibérant que ce dernier
ne lui a pas déléguées ; qu’ainsi,
lorsque le conseil municipal autorise le maire à
souscrire un marché au nom de la commune, sa délibération
doit approuver l’acte d’engagement tel qu’il
sera signé, lequel mentionne, notamment, l’identité
des parties contractantes et le montant des prestations
; »
Note :
Par une seule délibération du 7 février
2000, le conseil municipal de Montélimar a approuvé
la réhabilitation d’un réservoir d’eau
potable, autorisé le maire à engager une
procédure de marché de maîtrise d’œuvre
et, enfin, à le signer. La Cour administrative
d’appel de Lyon sanctionne cette pratique, pourtant
courante au sein des collectivités locales, consistant
pour les assemblées délibérantes
à ne se réunir qu’une seule fois pour
un même marché, le plus souvent en amont,
comme en l’espèce.
D’après l’article
L. 2122-21 du code général des collectivités
territoriales, la compétence pour souscrire un
marché est partagée entre le conseil municipal
et le maire. En tant qu’exécutif local, le
maire est seul compétent pour signer (le texte
dit « souscrire ») le marché sous réserve
d’une délibération préalable
du conseil municipal l’y autorisant.
L’enjeu est de savoir
à quel moment de la procédure cette délibération
doit intervenir.
En 1997, le Conseil d’Etat
affirmait « que si le maire ne peut contracter au
nom de la commune sans y avoir été autorisé
par une délibération expresse du conseil
municipal, aucune disposition législative ou réglementaire
[…] n'impose au maire d'obtenir une telle délibération
pour lancer et mener à terme une procédure
par appel d'offres ouvert ». (CE, 4 avril 1997,
Préfet du Puy-de-Dôme c/ commune d’Orcet,
Rec. p. 132). Cela voulait dire que le Maire peut lancer
une procédure (Publication, mise en concurrence,
réunion de CAO) sans autorisation du conseil. Une
seule délibération suffit donc, pourvu qu’elle
intervienne avant la signature du contrat.
Ainsi l’article L.
2122-21 du code général des collectivités
territoriales n’implique une telle délibération
que pour la souscription aux marchés, c’est-à-dire
pour leur signature et non pour lancer une procédure.
Cependant, en cas de désaccord du conseil municipal,
cet organe peut refuser d’octroyer l’autorisation
à l’exécutif local de signer le marché,
malgré plusieurs mois de procédure menée
par le maire. En outre, les élus, et notamment
ceux de l’opposition, pourraient arguer de la désinformation
en la matière, car, officiellement, le conseil
municipal n’a pas connaissance de l’existence
de la passation des marchés.
Pour que les élus
soient informés dès départ, on autorisait
donc le lancement de la procédure, tout en autorisant
en même temps la signature, lorsque le titulaire
serait choisi. Il ne restait plus qu’à connaître
la position du juge face à cette pratique. Sa réponse
n’a pas manqué de susciter la polémique.
En effet, la Cour estime que la délibération
du conseil municipal de Montélimar, préalable
au commencement de la procédure, autorisant le
maire plusieurs mois à l’avance à
signer le marché avec le futur candidat retenu,
est illégale.
La validité de la
délibération a pour condition sine qua non
que les conseillers municipaux délibèrent
à la connaissance d’un minimum d’informations
sur le marché. Il ne s’agit pas en effet
de délibérer les yeux bandés. Comme
l’a jugé précédemment le Conseil
d’Etat, les membres du conseil municipal «
doivent pouvoir consulter les pièces et documents
nécessaires à leur information sur l’affaire
faisant l’objet de cette délibération
» (CE Sect., 23 avril 1997, Ville de Caen, req.
n°151852). Or, lors de la délibération
du conseil municipal de Montélimar, la consultation
des pièces concernées ne pouvait avoir lieu
car inexistantes ! Le droit de tout conseiller municipal
d’être informé des affaires de la commune
faisant l’objet d’une délibération
(article L. 2121-13 du CGCT) n’était pas
respecté. C’est pourquoi la Cour administrative
d’appel de Lyon exige que la délibération
autorisant le maire à signer n’intervienne
pas avant que l’acte d’engagement, pièce
essentielle du marché, ne soit lui-même signé
par le soumissionnaire.
Cette décision du
juge administratif n’exclut pas pour autant une
délibération en amont en l’absence
des informations nécessaires, mais elle n’a
qu’un caractère superfétatoire, malgré
son utilité ! Dans un tel cas, il convient alors,
que le conseil municipal délibère une seconde
fois, en fin de procédure, pour valablement autoriser
le maire à signer le marché. Les conseils
généraux et régionaux sont tout autant
concernés par cette exigence.
Cette décision réveille
et amplifie un malaise patent relatif à la lourdeur
des procédures. Plusieurs mois sont en effet nécessaires
pour conclure un marché public. Mais peut-on faire
un tel reproche au juge, celui d’être en décalage
avec la réalité ? Serait-il raisonnable
d’espérer du juge administratif de rendre
des arrêts de règlement, plus pragmatiques?
On l’accuserait alors de créer le droit au
lieu de l’appliquer.
Peut-être le pouvoir
réglementaire, voire le pouvoir législatif,
se saisira de l’affaire et ôtera la crainte
des collectivités locales de devoir prendre deux
délibérations par marché. A moins
que le Conseil d’Etat ne désavoue la Cour
administrative d’appel de Lyon.
Yoan THOURY
La petite remarque
du Prof.
Un petit point sur
les délibérations nécessaires au
lancement et à la passation dans les collectivités
territoriales et les EPCI.
Dans les communes,
et par conséquent tous les établissements
publics de coopération intercommunale, une seule
délibération est nécessaire pour
les marchés publics, en fin de procédure,
pour permettre à l’assemblée délibérante
d’approuver le choix du titulaire fait par la CAO
et d’autoriser la signature. On notera que cette
délibération opère le choix du titulaire
pour les maîtrises d’œuvre (la CAO ne
rend qu’un avis – art. 74 du CMP). Bien sûr,
il peut y avoir une délibération en début
de procédure pour autoriser l’exécutif
à la lancer.
On notera cependant
que, pour les « marchés de travaux, de fournitures
et de services qui peuvent être passés sans
formalités préalables en raison de leur
montant », l’exécutif peut recevoir
une délégation pour la « passation
». Ainsi, uniquement pour des marchés publics
ne dépassant pas (actuellement), le seuil de 90.000
euros HT, l’exécutif qui a cette délégation
peut se dispenser de toute délibération
(art. L 2122-22), à condition que la dépense
soit inscrite au budget. Il faudra rendre compte de la
passation au conseil le plus proche (art. L 2122-23).
Pour ce qui est des
départements et régions, les règles
sont un peu différentes.
L’assemblée
délibérante peut donner à l’exécutif
la délégation de passer seul les marchés
de moins de 90.000 euros HT (L 3221 11 pour le département
et L pour la région). Cette délégation
doit venir de l’assemblée et non de la commission
permanente.
En dehors de ce cas,
l’article définissant les pouvoirs du Président
(art. L 3221-1 / L 4231 1 ) ne lui permet pas de lancer
les procédures seul (L’arrêt Commune
d’Orcet ne vaut pas pour lui). Tout lancement doit
donc être autorisé en principe par l’assemblée
délibérante sur la base de la clause générale
de compétence (L 3211-1 / L 4221 1). De même
c’est l’assemblée qui autorisera la
signature par une deuxième délibération.
A titre d’assouplissement,
les délibérations nécessaires peuvent
être prises par la Commission permanente, sous réserve
que ce droit lui ait été expressément
délégué par l’assemblée
délibérante (L 3211-2 / L 4221 5)
En ce qui concerne
les délégations en revanche, et pour toutes
les collectivités, il faut toujours une délibération
se prononçant sur le principe de la délégation,
et autorisant le lancement de la procédure (art.
L 1411-4 du CGCT) et une délibération pour
choisir le titulaire (art. L 1411 7). L’exécutif
ne peut pas ouvrir la procédure seul. Ajoutons
qu’une délibération est également
nécessaire pour fixer le règlement déterminant
les conditions de dépôt des listes en vue
de l’élection de la commission d’ouverture
des plis, laquelle est différente de la CAO (D
1411 5).
Fabrice GARTNER
Directeur du DESS
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